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L’intertextualité sonore et discursive dans le rap français

Isabelle Marc Martínez

Résumé
La compréhension des enjeux esthétiques, culturels et idéologiques des musiques amplifiées passe par la prise en compte des réseaux signifiants s’établissant entre les chansons, les genres musicaux et les instances diverses de la culture contemporaine : ils conforment l'intertextualité des musiques populaires. Ceci est particulièrement vrai dans le cas du hip hop, une musique hautement intertextuelle sur le plan musical/sonore et sur le plan linguistique/discursif. Cet article se propose notamment d’explorer ces réseaux dans le rap français ; pour ce faire, on présentera premièrement la notion d’intertextualité en musique comme cadre théorique du travail ; deuxièmement, on décrira le sampling comme l’ethos de l’intertextualité sonore du rap et, troisièmement, on parcourra les mécanismes de l’intertextualité discursive.

Mots clés: intertextualité, hip hop, rap français, sample, citation, dérivation, reprise.


Abstract
This article aims to explore sonic and discursive intertextuality in hip hop, focusing on French old school. First, it will present the concept of intertextuality in music as theoretical frame. Second, it will describe sampling as the ethos of the sonic intertextuality in rap music. And third, it will analyse the mechanisms of discursive intertextuality. Indeed, in order to understand popular music and especially hip hop, we need to take into account the intertextual networks established amongst rap songs as long as their relations with the realm of popular music and other instances of contemporary culture.

Keywords: intertextuality, hip hop, French rap, sample, quotation, derivation, version.


Introduction

Pourquoi parler d’intertextualité dans un dossier consacré aux nouvelles technologies en musique ? Tout simplement, parce que ce sont ces progrès technologiques qui ont favorisé le développement d’une intertextualité musicale extrême, notamment dans la musique hip hop.

Appliquer la notion d’intertextualité à l’analyse de la musique n’est certes pas une nouveauté. De l’étude traditionnelle des influences dans la musique savante jusqu’aux approches ouvertement intertextuelles (Lacasse 2008 ; Klein 2004 ; López Cano 2005 et 2007), lorsque la musique est conçue comme un système sémiologique, indépendamment de l’étiquette théorique que l’on décide d’y appliquer, il s’impose d’effectuer une analyse synchronique et diachronique des rapports signifiants entre les différents systèmes et les différents textes, de nature homogène et hétérogène, contribuant à la construction du sens dans les œuvres concrètes. Or, à ma connaissance, il n’existe pas de travaux systématiques sur l’intertextualité dans la musique hip hop, et notamment dans le hip hop français old school. S’il semble logique et nécessaire d’appliquer une telle analyse à cette musique, c’est bien parce que, aussi bien sur le plan sonore que sur le plan discursif, le rap fait preuve ostensible d’une esthétique intertextuelle. En effet, il s’agit d’une musique électronique à part entière, composée à base de samples ou échantillons, soit des emprunts de sons préenregistrés, des intertextes sonores coupés, hachés, rallongés, déconstruits, puis mixés et remixés à volonté. En ce qui concerne les paroles, centrales au rap old school, elles sont le résultat d’un assemblage hétéroclite où les discours de l’art élevé côtoient le familier, le médiatique, le politique ou le publicitaire. La haute teneur intertextuelle de la chanson française, catégorie dans laquelle s’inscrit le rap, a déjà été mise en avant par Paul Garapon pour qui " la chanson française d’aujourd’hui ne cesse de citer la chanson d’hier, de se situer par rapport à elle " (Garapon 1999 : 107). Or, le rap pousse l’intertextualité plus avant en s’appropriant non seulement les éléments appartenant à sa propre esthétique ou à sa propre tradition, où les éléments afro-américains sont priorisés par rapport aux éléments français ou francophones, mais aussi en ouvrant le " réservoir " de ses intertextes à l’espace culturel contemporain : médias, cinéma, publicité, BD, politique...

Ainsi, la compréhension des enjeux esthétiques, culturels et idéologiques des musiques amplifiées et notamment du hip hop passe par la prise en compte des réseaux intertextuels entre le rap, les autres musiques amplifiées et les instances diverses de la culture contemporaine. Dans ce but, la notion d’intertextualité en musique sera présentée en premier comme cadre théorique du travail ; deuxièmement, le sampling sera décrit comme l’ethos de l’intertextualité sonore du rap, pour, finalement, explorer les mécanismes de l’intertextualité discursive. En raison de l’abondance et de la variété de la production de hip hop France, et bien sûr des limites du présent travail, je n’entends pas ici réaliser une analyse exhaustive, mais plutôt donner un aperçu des mécanismes de l’intertextualité à partir de quelques exemples représentatifs, notamment dans les groupes de la old school française.

1. L’intertextualité dans les musiques amplifiées
Trait constitutif de la littérarité, l’intertextualité représente également un outil d’analyse extrêmement riche des textes dits littéraires. Introduite par Kristeva (1969) en tant que développement du concept de dialogisme de Bakhtin (1978), la notion d’intertextualité a permis à la critique et à la poétique poststructuraliste non seulement d’inclure le(s) contexte(s) dans la littérature en tant que participant du dialogue établi entre le texte et le hors-texte (le monde étant une construction textuelle, le hors-texte un autre texte), mais aussi de dépasser une conception linéaire et évolutive des phénomènes littéraires et culturels pour proposer à sa place une représentation spatiale, à la manière d’une bibliothèque infinie où les textes, passés, présents et futurs, coexistent en vertu de leurs relations intertextuelles (Rabeau 2002). Barthes (1973), dans sa définition de " Texte " pour l’Encyclopaedia Universalis en vient à affirmer que :

" Tout texte est un intertexte ; d’autres textes sont présents en lui, à des niveaux variables, sous des formes plus ou moins reconnaissables : les textes de la culture antérieure et ceux de la culture environnante ; tout texte est un tissu nouveau de citations révolues […] L’intertextualité, condition de tout texte, quel qu’il soit, ne se réduit évidemment pas à un problème de sources ou d’influence […]Épistémologiquement, le concept d’intertexte est ce qui apporte à la théorie du texte le volume de la socialité: c’est tout le langage, antérieur et contemporain, qui vient au texte, non selon la voie d’une filiation repérable, d’une imitation volontaire, mais selon celle d’une dissémination – image qui assure au texte le statut, non d’une reproduction, mais d’une productivité.".

Sont donc dépassées les notions d’influence ou de source, d’originalité et d’imitation dans une conception non binaire, élargie, selon laquelle l’auteur, le lecteur, la réalité, la signifiance, le passé, le présent et l’avenir participent en tant qu’interlocuteurs inexcusables du dialogue littéraire. Dans l’immense tissu des intertextes, les modalités relationnelles sont vastes, complexes, mouvantes. Pour Genette (1982), l’intertextualité serait restreinte aux relations de coprésence ou d’inclusion entre deux textes, alors que l’hypertextualité comprendrait l’ensemble des différentes relations de dérivation (par imitation ou transformation) entre les textes. Or, au-delà des discussions terminologiques, l’inclusion et la dérivation constitueraient donc les deux grands régimes de l’intertextualité – ce que Genette dénomme transtextualité.

L’un des modes les plus évidents de l’intertextualité est la citation, amplement étudie par Antoine Compagnon dans La seconde main ou le travail de la citation (1979). En littérature, la citation est une relation d’inclusion, de " coprésence ", définie à son tour par Genette comme " la présence effective d’un texte dans un autre " (Genette 1982 : 8). La citation (avec ou sans guillemets) constituerait la forme d’inclusion la plus explicite aux côtés du plagiat, qui n’est qu’une citation non avouée. Pour sa part, la référence " n’expose pas le texte cité, mais y renvoie par un titre, un nom d’auteur, de personnage ou l’exposé d’une situation spécifique. " (Samoyault 2005 : 35). L’allusion, moins explicite, désignerait le rapport entre deux textes A et B en vertu duquel la compréhension du texte B serait impossible sans la prise en compte du texte A (Genette 1982 :8). Samoyault, au contraire, considère que " l’allusion dépend plus de l’effet de lecture que les autres pratiques intertextuelles : tout en pouvant ne pas être lue, elle peut aussi l’être là où elle n’est pas. La perception de l’allusion est souvent subjective et son dévoilement rarement nécessaire à la compréhension du texte. " (Samoyault 2005 :36).

Dans le domaine des musiques amplifiées – musiques populaires contemporaines, musiques actuelles – et notamment dans les chansons (espace privilégié où s’unissent musique, paroles et performance), il est possible, à mon sens, d’appliquer la notion d’intertextualité ; en effet, la chanson est, elle aussi, un texte (entendu ici comme unité sémiologique de communication pourvue de sens, sur le plan social, économique, idéologique et esthétique) qui entre en relation avec d’autres textes, musicaux ou non-musicaux. Dans cette perspective, il ne s’agit donc pas d’étudier les influences ou les sources utilisées pour créer telle ou telle œuvre, mais de concevoir les musiques amplifiées et notamment la chanson comme un terrain intertextuel où l’inclusion et la dérivation constitueraient des modes de relation essentiels entre ces textes, indispensables d’ailleurs pour la compréhension des flux musicaux.

Dans les chansons, il est fréquent de retrouver les différentes modalités d’inclusion ou de coprésence, dont la citation, dans leurs formes discursives et musicales. En voici quelques exemples, trouvés au hasard de l’écoute, un matin comme un autre, de la radio sur Internet (radio FIP) : le premier, c’est le thème du film de Woody Allen Vicky Christina Barcelona, du groupe Giulia y los Tellarini. Je discerne des voix masculines chantant " Ella tiene poder (elle est puissante) ", le refrain de " Gitana Hechicera (gitane ensorceleuse) ", composée par le roi de la rumba, Peret, à l’occasion des Jeux Olympiques de Barcelone en 1992. Puis j’entends " Pépètes ", du groupe de rap musette Java, et je peux distinguer très nettement " tu me fais tourner la tête " ainsi que plusieurs vers, quelque peu modifiés, de " Ne me quitte pas " : " ne me quitte pas / il y a paraît-il des placements fertiles donnant plus de blé/ qu’un meilleur avril… ". En vérifiant les crédits des chansons, nulle part je ne retrouve les noms de Jacques Brel, Jean Constantin (le parolier de la chanson interprétée par Piaf) ou Peret. Pourtant, ces chansons ont certainement récupéré des extraits de musiques et/ou de textes de chansons préenregistrées. En effet, dans " Gitana Hechicera ", le sample renvoie à la rumba catalane. Assimilée à la culture populaire des Gitans et des immigrés du Sud de l'Espagne, elle fait désormais partie de l’identité de Barcelone, une ville qui veut se construire une image multiculturelle. L’inclusion de cet extrait (musique et paroles) renforce le catalanisme de la chanson et ce dans un film réalisé à la plus grande gloire de Barcelone. Pour sa part, dans " Pépètes ", la citation de ces deux classiques de la chanson d’amour française entraîne la reconnaissance et l’hommage à la tradition musicale populaire nationale et à sa conception du sentiment amoureux. En comparant ces deux chansons, on constate que bien qu’elles appartiennent à des styles musicaux totalement différents, elles semblent avoir, au moins, deux points communs : premièrement, toutes deux s’inscrivent dans des courants hybrides, fusionnés. En effet, la rumba catalane est le fruit de la fusion entre la rumba cubaine et la tradition du flamenco ; pour sa part, le rap musette est, comme son nom l’indique, une fusion du hip hop, soit une musique afro-américaine puis mondiale, et des sonorités françaises populaires traditionnelles. Deuxièmement, dans les deux cas, il existe une inclusion, une citation d’éléments procédant de chansons préexistantes. L’intertextualité est donc visible aussi bien dans le " genre " de chaque chanson que dans les chansons elles-mêmes. Ainsi, le choix de ces deux intertextes est lourd de sens sur le plan culturel, esthétique et identitaire.

Or, dans le domaine des musiques populaires il existe également une opération intertextuelle plus directe, dénommée " reprise " ou " version ", et qui consiste en l’appropriation d’un texte – chanson ou pièce instrumentale –, par un autre artiste ou dans un contexte différent, et dont la nouvelle interprétation comporte des modifications à des degrés variables, mais où l’original reste reconnaissable à tout moment. Tel est le cas, par exemple, du " Ne me quitte pas " de Yuri Buenaventura ou des versions de Renaud ou Maxime Le Forestier chantant Brassens. Les reprises sont aujourd’hui extrêmement abondantes et leurs objectifs peuvent viser l’hommage, la critique, la dérision, la contestation, l’opportunité commerciale… La reprise constitue une opération intertextuelle apparentée, en littérature, à la traduction et/ou à l’adaptation, soit au régime intertextuel de la dérivation. Ainsi, lorsque le chanteur colombien interprète " Ne me quitte pas " – remarquablement, par ailleurs –, tout en introduisant des changements importants – rythmes, arrangements et bien sûr, le refrain en espagnol " ¡ No me dejes ! " – qui lui confèrent un goût nouveau et actualisé, l’original reste perceptible à tout moment. Le résultat est bel et bien la même chanson, mais interprétée par un artiste différent. Brel serait donc l’auteur original et Buenaventura son traducteur fidèle, si toutefois l’on accepte la possibilité de la fidélité absolue en traduction…

Afin d’en limiter son objet, le présent travail abordera de façon prioritaire les cas de citation, qui dans ce contexte est définie comme l’appropriation d’un ou plusieurs éléments appartenant à une œuvre originale dans la création d’une œuvre nouvelle et ce dans un objectif précis. Cette définition introduit donc les notions d’auctorialité, d’originalité et de propriété relatives à l’élément emprunté ainsi que l’idée d’intentionnalité explicite. En conséquence, la citation participe à la création de l’œuvre mais ne se substitue pas à elle, contribuant donc à la construction d’une œuvre distincte et nouvelle. Pour sa part, la reprise continue, avec des modifications, même substantielles, une œuvre déjà existante.

Dans cette perspective, l’insertion de l’extrait de " Gitana Hechicera " dans " Barcelona " et des mots de Brel et de Piaf dans " Pépètes " correspond à la catégorie de la citation. Dans " Barcelona ", chanter Peret relie la ville cosmopolite du film de Woody Allen à la ville populaire. Quant aux citations dans " Pépètes ", elles affirment l’identité française du groupe Java – même si Brel avait la nationalité belge –, sa volonté de fusionner des traditions différentes et de rendre hommage explicite à la " chanson française ".

Il convient également de signaler que les sources de la citation peuvent être situées à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de domaine musical. Ainsi, du point de vue des sons, l’appropriation peut porter sur des musiques (notes et rythmes) mais aussi sur des effets spéciaux ou sur des extraits sonores de nature hétérogène. L’inclusion peut par ailleurs s’inspirer d’images, de situations ou d’univers visuels, mais aussi de tous les composants hétéroclites du champ culturel (populaire et élevé) : cinéma, bande dessinée, publicité, mass media, littératures… En ce qui concerne les citations textuelles, elles peuvent être tirées d’une autre chanson, mais aussi d’un discours politique, d’un film, d’une annonce télévisée, d’un poème. Ces emprunts peuvent être insérés littéralement ou transformés à des degrés très différents allant de la citation directe à l’allusion en passant par la construction d’images complexes à partir de l’élément original.

Ainsi, en appliquant la formule d’Antoine Compagnon au domaine musical, si " toute écriture est collage et glose, citation et commentaire " (Compagnon 1979 : 32), toute création l’est aussi, y compris, bien sûr, la musique. L’intertextualité ainsi entendue crée de nouveaux liens et de nouveaux sens pour les œuvres, et ce toute temporalité confondue. Reprenant les exemples précédents, lorsque le public de rap français écoute " Pépètes ", il ne peut s’empêcher d’y percevoir aussi bien " Tu me fais tourner la tête " et son univers de culture populaire que " Ne me quitte pas " et sa charge de sentiments amoureux. Parallèlement, grâce à ces emprunts, ces deux classiques de la chanson sont actualisés, comparés, redéfinis dans la chanson de Java. Passé, présent et avenir coexistent donc sur la ligne de l’intertextualité. En ce qui concerne " Ne me quitte pas", dès que l’on a écouté la version de Yuri Buenaventura, elle reste liée pour toujours à la chanson de Brel que l’on ne peut désormais écouter sans évoquer la version du Colombien.

Ces quelques chansons témoignent de la présence de l’intertextualité dans les musiques amplifiées ; or, s’il est un genre où l’intertextualité et notamment la citation sont essentielles, c’est bien le cas du rap. Voyons maintenant comment cette intertextualité est articulée dans la musique hip hop, notamment dans les groupes français old school.

2. Le sampling, à la base de l’intertextualité du hip hop
Dans la musique hip hop, rien n’échappe à l’intertextualité, en commençant par son principe de composition, qui consiste en l’appropriation et le remaniement de matériaux sonores préexistants par des procédés entièrement technologiques, à savoir : le scratching, le mixing, le sampling ou échantillonnage, le cutting, le looping, le layering et la beat box. Parmi toutes ces techniques, celle qui caractérise le rap, d’un point de vue musical et conceptuel, est l’échantillonnage, que Christian Béthune, spécialiste en la matière, définit comme un:

[…] procédé informatique par lequel on prélève numériquement, à l’aide d’un sampleur ou d’un ordinateur, une séquence mélodique, un fond rythmique, une ligne instrumentale, etc., sur un morceau de musique déjà enregistrée et que l’on rejoue, éventuellement en les modifiant par des méthodes informatiques de manipulation sonore au moyen d’un appareil appelé séquenceur, indispensable complément du sampleur. (Béthune, 1999, 10).

C’est ainsi que dans le rap, musique électronique à part entière, les procédés de l’intertextualité musicale (ou encore intermusicalité ou transmusicalité) sont poussés à l’extrême. En ce sens, et dès la fin des années 70 jusqu’à nos jours, les technologies sonores n’ont cessé d’évoluer[1], offrant des possibilités toujours plus variées et favorisant l’autoproduction pour la création musicale à partir d’éléments préexistants[2]. Dans la lignée inaugurée par Public Enemy ou Ultramagnetic MC’s dans les années 80, les années 90 ont connu l’apparition de nouveaux courants dans la composition, caractérisés par la conceptualisation et l’expérimentation. Ainsi, Entroducing, de DJ Shadow (1996), a été le premier album composé entièrement à partir d’échantillons ; le temps l’a confirmé comme une œuvre fondamentale non seulement pour le hip hop et l’électronique mais aussi pour les musiques populaires en général. L’évolution des technologies favorise l’apparition d’artistes comme DJ Spookey qui considère que le mixage (entendu ici comme l’assemblage des samples) constitue le paradigme créateur de notre temps. En effet, technologiquement et philosophiquement, notre société serait la société du mouvement digital menant à l’encodage de tous les composants du réel :

That’s what mixing is about : creating seamless interpolations between objects of thought to fabricate a zone of representation in which the interplay of the one and the many, the original and its double all come under question. (Miller 2004: 25) (Mixer, c’est créer des interpolations constantes entre des objets de la pensée pour fabriquer une zone de représentation où l’interaction de l’unité et de la multiplicité, de l’original et son double sont questionnées.)

Dans cette perspective, le DJ assume la condition d’artiste/auteur qui ne compose plus avec des notes mais avec des samples ; ainsi, le sampleur, les platines, la beat box ou l’ordinateur portable ne sont pas des machines à sons mais des instruments à part entière (During 2008 : 53). La culture du Disc Jockey hip hop est la culture de l’appropriation consciente, une culture en mouvement, se développant dans le courant de la créativité, où les anciens sont récupérés de façon dynamique par les modernes. Or, les degrés de transformation de l’élément emprunté sont multiples. Ainsi, dans Entroducing, les samples sont transformés à tel point qu’ils ne sont pas reconnaissables et qu’ils sont globalement perçus comme des sons originaux. DJ Spooky, pour sa part, rend les procédés du mixage plus visibles, soulignant l’effet de collage, comme dans " The Duchamp Effect " (Miller 1997). Toutefois, les références restent souvent encodées et inidentifiables, dans une stratégie volontaire d’hermétisme, comme celle décrite par Joseph Glenn Schloss (2004) dans son étude sur le sample based hip hop. Au contraire, dans le rap old school, les samples peuvent être incorporés presque littéralement, sans altérations, comme de véritables citations, ce qui permet de les reconnaître plus facilement. Aussi bien le hip hop expérimental que le hip hop old school utilisent des samples intentionnels, avec des objectifs – esthétiques et/ou symboliques – précis. Or, en raison du caractère plus conceptuel et de l’absence notoire de textes dans le hip hop instrumental, les processus et les enjeux de l’encodage semblent mieux appréciables dans le hip hop " traditionnel ", qui, lui, est rattaché au réel grâce à la concrétisation linguistique du sens dans les paroles.

Les paroles des chansons rap, quant à elles, s’articulent en fonction de réseaux intertextuels denses et complexes, notamment dans le hip hop français, où la préoccupation pour les textes est ostensible. On pourrait classer ces rapports en deux grandes catégories : d’une part, l’intertextualité rapologique, c’est-à-dire, celle qui puise ses intertextes dans la culture hip hop et, d’autre part, l’intertextualité non-rapologique, soit celle qui est basée sur des intertextes d’origine hétéroclite. Ainsi, dans la première catégorie, nous retrouvons toutes les références, allusions et autres procédés d’inclusion ou de dérivation appartenant à la culture hip hop, comme ce que nous pouvons dénommer les " matières rapologiques ", et qui, à la manière des grands répertoires thématiques classiques, servent de matière à des nombreuses chansons rap. Tel est le cas des " égotrips " de tout genre – issus du signifying afroaméricain –, des variations sur le thème " fuck the police " ou des récréations du passé africain. En effet, les rappeurs old school, se sentant profondément et premièrement membres de la nation hip hop, c’est la culture hip hop américaine et donc la tradition afro-américaine, qui constituent leur intertexte fondamental, leur horizon premier. Quant à l’intertextualité non-rapologique, elle est aussi vaste que la culture des rappeurs au sens large du terme : autres musiques populaires – dont la variété comme cible ou les autres musiques afro-américaines comme référent positif –, littérature, cinéma, médias, politique... En définitive, les différentes instances de la culture populaire contemporaine s’entremêlent dans les textes rap conformant une toile où la frontière entre texte et hors-texte a tendance à s’estomper.

Ainsi, face aux évolutions ultérieures, plus conceptuelles, la old school française, aussi bien dans ses paroles que dans ses sons, s’avère être paradigmatique pour l’analyse des procédés intertextuels.

a) L’intertextualité sonore
Les emprunts du rap old school affichent souvent une volonté explicite : le public est appelé à reconnaître les références et à les interpréter dans le contexte de la chanson. En effet, pour Tricia Rose,

[…] sampling in rap is a process of cultural literacy and intertextual reference. […] In additon to the musical layering and engineering strategies involved in these soul ressurections, these samples are highlighted, functioning as a challenge to know these sounds, to make connections between the lyrical and musical text. It affirms black musical history and locates these ‘past’ sounds in the ‘present’. (Rose 1984 : 89) (L’échantillonnage dans le rap est un procédé de référence culturelle et intertextuelle […]. Parallèlement aux stratégies de superposition et d’ingénierie mises en œuvre dans ces ressuscitations du soul, ces échantillons sont mis en avant et fonctionnent comme des défis à l’égard des nouveaux sons, afin d’établir des connexions entre le texte musical et les paroles. C’est un procédé qui affirme l’histoire musicale noire et qui situe ces sons du " passé " dans le " présent ".)

Certes, cette affirmation laisse sous-entendre un certain essentialisme afro-américain (Harkins 2008 : 9), mais elle souligne surtout l’importance du choix des échantillons dans le processus de création puisqu’ils sont à la base du tissu identitaire, culturel et esthétique dans la chanson – même s’ils ne sont pas toujours politiquement engagés. La centralité des " black cultural priorities " (Rose 1984 : 75) dans le rap old school est visible dans ses " sources " afro-américaines, sur le plan musical, esthétique et identitaire, et dans le choix des samples repris dans le rap old school qui appartiennent presque systématiquement à la tradition afro-américaine. C’est pourquoi, comme l’affirme Tricia Rose, l’insertion de samples puisés dans cette tradition entraîne une prise de position identitaire qui passe par la récupération et la légitimation du passé. Les œuvres de la tradition deviennent le matériel du présent, qui les transforme dans un objectif précis ; ainsi, à la faveur de l’intertextualité, " tout texte est susceptible d’être repris, il n’est pas limité à ce qu’a effectivement écrit son auteur, mais continue d’être écrit par ceux qui le citent ou le réécrivent " (Rabeau 2002 : 25).

La critique[3] a mis en évidence le caractère postmoderne de ces procédés ; en effet, la technique même du sampling relève de l’idée de collage, de recyclage. Lorsque le moderne, l’avant-garde, ne peut aller plus loin, c’est l’attitude postmoderne qui prend la relève :

La réponse postmoderne au moderne consiste à reconnaître que le passé, étant donné qu’il ne peut être détruit parce que sa destruction conduit au silence, doit être revisité : avec ironie, d’une façon non innocente. (Eco 1987 : 77)

La notion d’originalité de l’œuvre d’art est donc dépassée. Les rappeurs effectuent une véritable vivisection sur la chanson originale. Or, le sample reste rarement intact et fait l’objet de diverses altérations qui peuvent entraîner des modifications importantes. A tous les degrés de transformation, puisque l’œuvre de départ est considérée comme un " terrain " à samples, les concepts d’unicité et d’immanence de l’œuvre originale disparaissent. Toutefois, cette transgression possède une volonté créatrice :

En restituant à l’acte de copier sa part propre de créativité, de jeu et de poésie, la technique de l’échantillonnage, systématisée par les rappeurs, réhabilite une antique fascination pour le double. Contre la métaphysique platonicienne de l’unicité du vrai, l’échantillon morcelle l’essence, exhibant triomphalement ses fragments comme autant de parcelles d’une vérité qui aurait fini par imploser. Et, transgression des transgressions, l’échantillon prélevé, dupliqué, remanié, trituré, mis en boucle…, nous enseigne que le fragment de copie trafiqué peut parfois se montrer d’un intérêt supérieur au modèle auquel il fait référence. (Béthune 1999 : 56)

Tout comme les notes du musicien traditionnel ou les huiles du peintre, l’échantillon devient donc l’unité de composition. Le sampling constitue dès lors une véritable révolution dans le domaine musical (Katz 2004), mais aussi une subversion des valeurs traditionnellement associées au grand art, notamment l’originalité, l’unicité et l’inaltérabilité (Adorno 1941 ; Benjamin 1939).

Les enjeux esthétiques, juridiques et donc économiques de ce tissu d’inclusions plus ou moins explicites sont incontournables. En effet, si un auteur est le propriétaire non seulement des droits de vente et d’exploitation de son œuvre – qu’il peut donc céder à des tiers –, il est aussi son dépositaire moral. Voilà pourquoi, dans une perspective juridique, " on peut se demander si une œuvre littéraire [une œuvre artistique en général] qui reprend tout ou partie d’une œuvre précédente sans le consentement de son auteur n’es pas susceptible d’être accusée de contrefaçon " (Rabeau 2002 : 149). Telle est l’interprétation de l’industrie musicale à l’égard de l’utilisation des samples, considérés comme des plagiats, des contrefaçons. Effectivement, si les chansons composées à partir d’échantillons sont considérées comme des simples assemblages sans valeur esthétique, leurs auteurs – jugés comme voleurs – devraient compenser économiquement les ayants droits des chansons originales. Au contraire, si l’on sépare le concept de création artistique de la notion d’originalité absolue, les chansons rap deviennent des œuvres d’art légitimes, libres donc d’avoir recours aux œuvres du passé. Or, dans le contexte actuel de réification marchande de tous les biens culturels, le rap ayant une vocation artistique, mais aussi commerciale – comme l’ensemble des produits artistiques contemporains –, il semblerait licite que les propriétaires des droits d’auteur réclament une contrepartie sur les bénéfices des rappeurs. Toutefois, justifierait-on si facilement que les ayants droits d’Esope eurent réclamé leur pourcentage aux héritiers de La Fontaine – n’oublions pas que depuis de l’introduction de l’imprimerie, la littérature entre aussi dans l’ère de la " reproductibilité technique " ? Si en littérature cette question peut sembler absurde, en musique, comme le fait remarquer Héctor Fouce (2005), le traitement de l’intertextualité et donc des droits d’auteur semble être bien plus problématique. Sur le plan juridique, l’affaire est tranchée puisque les rappeurs sont forcés de payer des droits sur leurs samples. Au contraire, sur le plan esthétique, le dilemme semble loin d’être résolu. 

A cet égard, dans le contexte américain, Imani Perry, légiste et experte en hip hop, constate que les procès judiciaires intentés contre les rappeurs présupposent la nature " non artistique " du rap, ce qui légitimerait le fait que leur musique ne bénéficie pas de la protection du Premier Amendement :

The question of whether hip hop should be categorized as art in the long term will, of course, prove relevant for First Amandment claims and critiques. […] The charges of obscenity and copyright violation are philosophically connected bacause the underlying question remains whether hip hop is allowed to ocupy the cultural territory of art, and thereby of freedom of expression and original production. (Perry 2004 : 114) (Déterminer si le hip hop doit être considéré comme un art sur le long terme sera essentiel à l’égard des défenseurs et des détracteurs du Premier Amendement. […] Les accusations d’obscénité et de violation des droits d’auteur sont liées philosophiquement, car la question fondamentale est de savoir si le hip hop est autorisé à occuper le territoire culturel de l’art et, par conséquent, à jouir du droit à la liberté d’expression et à la production originale.)

En ce sens, les compagnies de disques perçoivent indéfectiblement des droits sur les reprises et, en général, sur les samples les plus reconnaissables, c’est-à-dire, sur les citations les plus directes repérables prioritairement dans le old school. Au contraire, dans les nouvelles musiques samplées (trip hop, hip hop abstrait et autres étiquettes), le problème des droits d’auteur est moindre, comme l’indique Paul Harkins (2008).

Au-delà des débats passionnants quant à leur légalité, les inclusions sonores (citations, références, allusions) créent un tissu de significations s’établissant entre la tradition musicale et la chanson (musique et texte). Prenons comme exemple canonique la chanson d’IAM " Tam tam de l’Afrique " où le groupe de Marseille s’approprie la mélodie de base de " Pastime Paradise " de Sevie Wonder. Cet échantillon, très connu et déjà repris par le rappeur américain Coolio dans " Gangsta Paradise ", établit premièrement une correspondance avec la musique afro-américaine ; la mélodie, qui est dès lors idéologiquement et musicalement marquée, s’accorde avec l’intention pragmatique du morceau, à savoir, la revendication de la négritude, la dénonciation de l’histoire honteuse de l’esclavage et la construction d’une utopie afrocentriste. Toutefois, le sens du " Pastime paradise " original est détourné et ce " paradis passé " devient, contrairement au texte de Stevie Wonder, un véritable lieu utopique. Ainsi, l’Afrique comme continent mythique et paradis perdu, l’histoire du peuple noir et le lien identitaire et esthétique entre le sujet du texte et le patrimoine panafricain sont invoqués et par le texte et par la musique, car elle-même fait partie de ce patrimoine. Les enjeux culturels et identitaires de l’insertion du sample de Stevie Wonder dans la construction du sens sont évidents ; mais il ne s’agit pas du seul échantillon à la base de la chanson ; c’est son matériau musical dans son ensemble qui est " emprunté " ; dans cette profusion de sons extérieurs qu’il appartient au DJ de (re)composer, on retrouve une flûte, des vents, des rythmes électroniques, des chœurs, et notamment une mélodie de piano et les sons des tam tam. Du point de vue de la structure interne, les tam tam marquent la fin d’une strophe, la conclusion d’une tirade épique et le début de la suivante. D’un point de vue symbolique, ils renvoient à l’Afrique, à l’âge d’or primitif évoqué par le texte, renforçant donc la récréation du passé, sa légitimation et sa revendication. En contant le paradis perdu, symbolisé musicalement par ces instruments originels, le sujet transforme le mythe du passé en mythe d’avenir, en utopie. Dans une même volonté signifiante, le piano sonne au seul moment où le sujet interrompt sa narration pour s’exprimer à la première personne. Il s’agit d’un appel à la mémoire, à la prise de conscience sur les conséquences du passé dans le présent, identifié musicalement par le piano. Ainsi, la musique et le texte établissent des stratégies de collaboration/co-opération dans la création du sens. Dans la chanson qui nous occupe, musique et paroles s’accordent parfaitement, en équilibre. Par ailleurs, l’intertextualité concerne l’énoncé linguistique lui-même ; en effet, le lecteur/auditeur de la chanson retrouvera probablement les échos des poètes de la négritude. Que le groupe ait ou n’ait pas connu les textes d’Aimé Césaire ou de Sédar Senghor n’empêche pas la reconnaissance de ses intertextes possibles.

Suivant une même volonté de (re)-construction identitaire, mais se référant cette fois-ci à l’origine italienne d’Akhenaton (le leader du groupe IAM), dans " Où sont les roses ? ", c’est une chanson traditionnelle napolitaine qui est samplée – notons au passage que les crédits ne figurent pas sur la pochette du CD. L’inclusion de cet extrait a pour objectif de (ré)-incorporer le passé dans le présent, de rappeler, d’invoquer un héritage que les nouveaux " Italiens " semblent avoir oublié.

Même si la tradition de la chanson française est, en général, moins appréciée et donc, moins samplée, dans " Nouveau Western ", MC Solaar reprend l’air de la fameuse " Bonnie and Clyde " de Serge Gainsbourg comme motif mélodique. Il existe sûrement une volonté esthétique et commerciale à la base de ce sample, mais aussi un objectif référentiel, puisque " Nouveau Western " se veut une critique des fausses valeurs véhiculées par les films commerciaux américains. Pour sa part, dans " Harley Davidson ", IAM reprend le refrain du tube homonyme de Gainsbourg pour tourner en dérision la fascination, certes ironique, pour the American way of life dont fait preuve l’original. Dans ces deux cas, tout en ayant des objectifs sémantiques différents, le choix de Gainsbourg, enfant terrible de la chanson, comme intertexte musical, révèle la prédilection du hip hop pour la chanson française non-canonique.

Dans ces quelques exemples, nous pouvons constater que la création du sens relève en ultime instance du récepteur, qui, en fonction de son bagage d’intertextes décodera et interprétera l’œuvre. Un auditeur français ne reconnaîtra pas les mêmes intertextes qu’un auditeur américain et vice-versa. En effet, la réception est, on le sait, créatrice ; or, elle se construit à partir de l’objet extérieur qu’est la chanson. Ainsi, si la chanson est ostensiblement composée de citations ou autres procédés intertextuels – toute catégorie confondue – reconnus par le récepteur, chacune renverra à d’autres œuvres, d’autres références, d’autres intertextes variables en fonction de chaque individu. A la manière de la madeleine proustienne (DeNora 2006), chaque échantillon déclencherait un intertexte différent, multipliant les lectures/écoutes possibles de l’œuvre. Dans ce sens, les samples seraient des déclencheurs sémantiques et symboliques intentionnels et non pas les preuves d’une absence d’originalité. Dans les mots de Richard Shusterman, ainsi " est contestée la dichotomie création / emprunt, comme l’est aussi la division entre l’artiste créateur et le public récepteur " (Shusterman 1991 : 193).

b) L’intertextualité discursive
Les quelques exemples précédents relèvent d’une intertextualité premièrement musicale. Or, comme on le disait plus haut, l’intertextualité dans les paroles est aussi extrêmement riche. Tel est le cas de " Pépètes " comme l’attestent ses citations de Brel et de Piaf, mais aussi les autres référents intertextuels, moins évidents, comme le topos de Catulle " Odi et amo ", dans les vers " Je t’aime autant que je te déteste ", ou comme celui de la beauté éphémère dans " T'étais fraîche et bien roulée, pépètes, / Maintenant t'es fade et fardée ". Ainsi, " Pépètes " est une chanson d’amour – thème rarissime dans le rap old school –, construite sur des topoi du discours amoureux traditionnel, actualisés par un style contemporain. Cette récupération de la tradition dans un moule idiomatique et musical nouveau s’accorde avec l’identité esthétique du groupe, faite du collage, du mixage de discours et de sonorités hétérogènes. Quant à " Où sont les roses ? ", c’est le " ubi sunt " qui revient, de même que " les neiges d’antan " de Villon et donc aussi de Brassens. Reprenant la distinction entre intertextualité rapologique et intertextualité non-rapologique, ces exemples s’inscrivent dans la deuxième catégorie. En effet, dès la citation directe à la simple évocation, la grande culture et la culture populaire s’intègrent en tant qu’intertextes dans le rap français. Ainsi, dans " La concubine de l’hémoglobine ", MC Solaar utilise " Le dormeur du val " de Rimbaud pour plaider pour le pacifisme ; " Sea, sex and sun " de Gainsbourg est repris dans " Juste pour le fun " de NTM ; Assassin cite Piaf dans " La formule secrète " et s’assimile aussi à La Fontaine en qualité de poète didactique. Nous voyons donc que la " grande culture " côtoie la culture populaire, que les barrières entre les genres discursifs disparaissent. A cet égard, il est intéressant de noter que les rappeurs s’identifient à la figure classique du poète, maître de la parole vraie, authentique. Treize textes parmi un corpus de 150 chansons des groupes les plus représentatifs de la période old school du rap français – Assassin, IAM, Ministère AMER, MC Solaar, NTM – contiennent explicitement le mot " poète ", faisant référence à la condition du sujet. Les intertextes de la tradition poétique sont récupérés tout en les pliant aux objectifs pragmatiques de chaque chanson : dans les mots des rappeurs, le statut du poète est actualisé : " poètes de l'Alliance afro-asiatique " [4]; " poètes de la planète Mars " ; [5]; " Poète terroriste, quelque fois sonoïste " [6]; " poète prodige " [7]; " Impact, généré par le rimeur maniaque / Éduqué, mentalement, logiquement, normalement […] /Funky, Fresh, versificateur de qualité "[8].

Les références intertextuelles non-rapologiques s’effectuent à plusieurs niveaux discursifs, en commençant par les mots, qui sont créés en (r)ac(c)olant des mots préexistants.

Façon Caligula on étudiera le Kamasoudrap.[9]
Stomysanthrope n’est toujours pas myope.[10]

Au niveau de la syntaxe, les vers ont fréquemment recours à des expressions figées, des proverbes et des idées reçues dont le sens est détourné :

On me traite de traître quand je traite de la défaite du silence
Le silence est d’or, mais j’ai choisi la cadence. [11]

Mon style évolue, jamais révolu,
influencé par la rue
abat les bœufs et tracte la charrue.[12]

Le long fleuve tranquille ne coulera plus tranquillement.
Après le beau temps, vient la pluie quand on délaisse ses enfants.
Dans tous les cas, le sens premier de ces expressions subit une altération sémantique et symbolique substantielle.

Les textes peuvent également se réclamer d’imaginaires hétéroclites grâce à la citation de noms propres, de marques, de personnages ou de titres de films. Jacques Chirac, George Bush, Luis Escobar ou Jean-Marie Le Pen sont évoqués directement et indirectement. Rien n’empêche l’utilisation de noms commerciaux tels que Harley Davidson, Adelscott, Ray Ban, Marlboro ou Dunlopillo. En nommant ces personnages et ces marques, en les montrant du doigt, les chansons rap intègrent la réalité quotidienne, politique et sociale, dans le domaine artistique. Il en est de même pour le registre linguistique dominant, un registre relevant de l’oralité, truffé d’interjections, d’onomatopées, d’expressions argotiques, un style fortement oralisé. Toutes ces caractéristiques de la langue du rap contribuent à abattre la distinction entre l’art et la vie, à relier texte et hors-texte. A cet égard, il faut rappeler que le hip hop français, du moins le hip hop old school, affiche une volonté pédagogique évidente et prétend avoir un impact direct sur la réalité. L’esthétique hyperréaliste – sujets d’actualité, registre oral, effets sonores – correspond ainsi à l’objectif illocutoire, notamment contestataire, des chansons hip hop. Dans la récréation de cette réalité du vernaculaire et de l’urgence, les références aux arts populaires sont fréquentes. Ainsi, dans une critique du gangstérisme du hip hop, MC Solaar fait allusion à plusieurs univers filmiques, dont Scarface, Les Incorruptibles, Danse avec les loups, Soldat universel, Vol au-dessus d’un nid de coucou:

Al Capone, Baby Face, Scarface roi de l’homicide
[…]
Alors ne danse pas avec les loups,
Tu risques de te retrouver rapidement dans un trou
T’aurais l’air malin avec du plomb dans la cervelle
Ça t’apprendrait à jouer au soldat universel
[…]
Parce qu’on n’est pas du genre à tendre l’autre joue
Plutôt du style à t’envoyer voler au-dessus d’un nid de coucou.[14]

Dans une description quelque peu lugubre de la société contemporaine, la chanson " Nouveau Western ", de MC Solaar, se construit à partir de références à La Chevauchée fantastique, La rivière sans retour ou Les sept mercenaires, accompagnées, comme on l’a vu, par le sample de Gainsbourg. De même, la figure du Predator, reprise dans les textes de Ministère AMER, donne lieu à des images fortes et menaçantes renvoyant au film de John McTiernan et à l’album The Predator, de Ice Cube (" Comme le prédator, je ne sors que la nuit, cette fois la police est l’ennemie ")[15]. Plusieurs allusions sont faites à la saga de la Guerre des Étoiles (" je suis de taille Abdulaï Jedi / la force est avec moi ")[16] ; la situation de Devine qui vient dîner subit un retournement radical dans " Pas venu en touriste " (Ministère AMER). Dans tous ces exemples, l’imaginaire filmique est invoqué pour construire une représentation de la réalité. En ce sens, le déclenchement sémantique provoqué par l’allusion passe d’abord par le visuel. Les metteurs en scène de Hollywood deviennent les Elstir des rappeurs ; les créateurs des musiques populaires, leurs Vinteuil. Ainsi, la récupération du hip hop s’étend à des éléments empruntés aussi bien au domaine du quotidien qu’au domaine artistique, qu’il s’agisse d’œuvres populaires ou élevées.

Les procédés intertextuels traduisent souvent une attitude désacralisante à l’égard des catégories de l’esthétique idéaliste, à savoir, l’auctorialité, l’originalité et l’unicité de l’œuvre. Comme on l’a déjà signalé, cette attitude irrévérente, postmoderne, est à la base de la création du hip hop ; parfois elle se fait explicite dans les textes, comme dans " Attentat II ", d’IAM, qui fonctionne comme une mise en abîme de l’attitude ironique postmoderne du hip hop. Fictionnalisé par plusieurs enregistrements qui le caractérisent comme un film d’action, le texte narre les réactions des protagonistes à l’occasion d’un vernissage d’art contemporain. Après avoir attaqué le buffet, les personnages abordent l’exposition :

Je retraverse la salle pour boire un punch coco
Quand j'aperçois Chill planté devant un tableau
Oh, c'est neuf ? Il l'a fait exprès, c'est un objet de culte?
Vous me ferez signe quand vous l'aurez version adulte
Car si cette chose est un tableau
Ma soeur de 10 ans s'appelle Picasso
Un mec s'est approché et m'a dit "cet auteur a du coeur"
Ah ouais, un Polonais qui utilise plus de 2 couleurs
Si je ne me trompe, son style c'est
Du merdicocubicodébilo gribouillage abstrait
[…]
Quelque chose m'intrigue à quelques pas de moi
Il y a un attroupement autour de je ne sais quoi
Je me rapproche, je jette un oeil "oula, c'est quoi ça?"
"C'est de l'art, mon cher, au cas où vous ne le sauriez pas"
Je ne vois pas où il veut en venir c'est pas que c'est moche
Mais, il l'a peint avec l'oreille gauche?
Tout le monde me regarde d'un air indigné
Quoi qu'est-ce qu'il y a c'est pas de ma faute si c'est laid
Un autre me demande qu'est-ce que tu penses de ce délire
Je lui ai dit l'auteur abuse des cigarettes qui font rire
Et j'ai pris du Ketchup dans ma main droite
J'ai choisi un tableau, bien visé, splash !
Bien entendu il y a bien eu 5 ou 6 couillons
Les cheuveux dans le genre Godefroi de Bouillon
Pour s'extasier devant la tâche "ce peintre est un chef
Admire la perspective, les couleurs, quel relief 
[…]
Je fouille dans mes poches, j'en sors un stylo
Puis m'approche discrètement d'un tableau
Je regarde autour de moi, bon personne
le Z de Zorro ouais je cartonne
Soudain arrivent derrière moi deux crétins cosmiques
Euh, géniale cette lettre symbolique.[17]

Reprenant à son compte le fameux castigat ridendo mores, cet attentat caricatural ridiculise le monde de l’art contemporain ; or, il s’acharne surtout contre la figure du créateur " conceptuel " et contre son public, mais aussi contre l’idée même d’œuvre " sacrée ", qui ne mérite aucun respect et qui peut être transgressée et altérée impunément. Les objets de l’art dit " élevé " sont ici récupérés dans un objectif de dérision.

Quant à l’intertextualité rapologique, elle se nourrit de la old school américaine et des principes esthétiques et idéologiques de la culture hip hop. Prenons comme exemple une des matières rap les plus prégnantes, soit la critique de la police : inaugurée par le groupe radical NWA (Niggaz With an Attitude) avec son titre " Fuck the Police " (Priority Records, 1989), les attaques verbales contre les forces de l’ordre sont devenues des leitmotivs du rap hardcore. En France, le groupe NTM sort " Police " en 1993, une chanson très polémique qui fait référence explicite à l’intertexte américain :

Tels sont les rêves que fait la nuit Joey Joe,
Donne-moi des balles pour la police municipale.
Donne-moi un flingue […]
Pour notre part ce ne sera pas ‘fuck the police’,
mais un spécial Nick Ta Mère de la part de la mère patrie du vice.

Ces rêveries où les rappeurs se laissent aller à la violence symbolique contre l’autorité sont également visibles dans " L’État Assassine " d’Assassin ou dans " Sacrifice de poulet " de Ministère AMER : " Comme le prédator, / je ne sors que la nuit / Cette fois encore la police est l’ennemie... ".

En rapport avec cette critique contre l’autorité, l’égotrip, entendu comme défi hyperbolique et violent d’un sujet – " je " ou " nous " – contre l’Autre, qu’il s’agisse d’un rappeur, d’un homme politique ou du Pouvoir, constitue également un topos rapologique prégnant, qui puise ses origines dans la tradition afroaméricaine des dirty dozens (Rose 1994 ; Béthune 1999 ; Lapassade et Rousselot 1996 ; Marc Martínez 2008). Les rappeurs français s’approprient cette " matière " de rap et la réélaborent à leur façon. Ainsi NTM, déjà dans son nom, " Nick Ta Mère ", traduit l’omniprésent " motherfucker ", l’insulte paradigmatique, même si dé-lexicalisée, de la communauté afro-américaine. Dans de nombreux textes old school, cette attitude agonistique se traduit par des provocations obscènes ou violentes :

Encore une ascension, une nouvelle accession
Suprême NTM encore et toujours en action
Devant toi je suis bien je monte et j'aime ça
Quant à toi, toi là-bas, toi qui m'écoutes
Je retire de ton crâne maintenant le dernier doute
Bois mes paroles et retiens-les bien
Car je détiens enfin dans mes mains
La solution pour guérir tes maux de tête je t'envoie ma potion
C'est une potion anale
Elle est fatale, elle fait mal
Écarte donc ton trou de balle
Mon nom est Shen, inventeur de la sodomie verbale…
(NTM 1991, " C’est clair ")

Ou encore :
Ca y est ! Les fréquences de ma voix vacillent dans l'atmosphère.
Ma seule patrie est mon posse qui part en guerre.
Lourde est l'attitude de ce nouveau chapitre,
Le putain d'artiste au poids politique et l'Académie Mythique
Ne pourront jamais être stoppés dans leur ascension :
Ni le fléau médiatique, ni les partis politiques n'arrêteront cette putain de production.
(Assassin 1993, " Kique ta merde ").

L’égotrip et la critique de la police sont des topoi rapologiques parmi bien d’autres qui nous permettent d’affirmer que les lieux communs du rap – dans l’espace glocal du hip hop (Potter 1995) – peuvent être interprétés comme des références intertextuelles qui relient les textes à l’esthétique rap, les situant les uns par rapport aux autres, comme les variations se situant par rapport aux modèles. En définitive, il est possible d’affirmer que l’intertextualité discursive, rapologique ou non-rapologique, au même titre que l’intertextualité sonore, est constitutive de l’esthétique rap.

Conclusions
L’intertextualité imprègne le hip hop français dans ses composantes musicales, discursives, esthétiques et symboliques. Le résultat est un genre qui met en évidence ses propres procédés de création / fabrication ; un genre où un artisan digital crée à partir d’éléments recyclés. A l’ère du recyclage comme utopie politique et environnementale, le hip hop devient un des paradigmes esthétiques de la société de la récupération.

Nous avons vu à quel point les procédés intertextuels sont déterminants dans le hip hop. Or, il semble bien que les musiques actuelles sans exceptions assument l’intertextualité/ intermusicalité / transmusicalité comme facteur de création. D’un part, parce que les reprises/versions constituent un pourcentage important de la production musicale actuelle (dérivation intertextuelle). D’autre part, et notamment, parce que tous les genres, du rock plus indépendant au rap canonique, se font l’écho d’autres musiques préenregistrées, dans leur mélodie, leur interprétation, leur style, dans les sujets qu’ils traitent ou dans leurs attitudes vis-à-vis de leur public (inclusion intertextuelle). Le champ musical contemporain est intertextuel comme l’est le champ littéraire. Il importe donc de s’interroger sur ces phénomènes : quelle est la part de l’originalité, des inclusions et des dérivations dans chacun des genres, des auteurs, des chansons ? Quels sont les rapports entre les anciens et les modernes aujourd’hui ? Quels sont les effets produits à partir du dialogue s’établissant entre eux ? Qu’évoque la reprise d’un riff, d’un solo de guitare, d’une intonation de la voix ou d’une attitude sur scène ? Ce dialogue est le déclencheur de la mémoire, sonore, visuelle, esthétique et émotionnelle ; les réseaux d’évocations s’activent et la réception devient un acte de reconstitution créative sur le plan sonore et symbolique. Le plaisir de l’écoute est, en effet, basé sur la reconnaissance de la répétition des rythmes de la chanson (Middleton 2006), mais également sur la reconnaissance des d’éléments récupérés. Les paroles, leurs intertextes – autres chansons, autres discours – possèdent aussi une importance majeure. En effet, les chansons récupèrent des thèmes, des formes et des styles, dans un échange constant avec les œuvres du passé mais aussi avec la réalité de leur contexte de production. La construction du sens dans une chanson est donc le fruit d’un dialogue polyphonique :

" meaning is always both socially and historically situated, and generically specific. Heteroglot networks of discursive conventions resulting form never-ending, historically contingent exchanges create a kind of giant intertextuality, operating both between utterances, texts, styles, genres and social groups, and within individual examples of each.” (Le sens est toujours situé dans un contexte social et historique spécifique. Les réseaux hétéroglottes – polyphoniques – des conventions discursives, résultant d’échanges infinis, historiquement contingents, créent une intertextualité géante, agissant sur les interprétations, les textes, les styles, les genres et les groupes sociaux, et sur leurs exemples individuels.) (Middleton 2000 : 13)

Ainsi, l’échantillonnage sonore et discursif, en tant que procédé intertextuel, constitue l’ethos du hip hop, bien sûr, mais aussi, à des degrés différents, des autres genres des musiques amplifiées. La multiplicité dialogique des originaux et de leurs reprises conforme l’intertextualité géante de Middleton mais aussi l’intertextualité discursive de Barthes s’entrecroisant dans la fusion sémiologique de la chanson. Le texte et le hors-texte, les musiques, les littératures, les manifestations artistiques, populaires et élevées, puis les instances du réel sont interpellés dans le processus de création et de réception d’une chanson. L’intertextualité sous-tend donc les musiques amplifiées comme vecteur de création de sens, aussi bien dans le processus de composition et d’écriture que dans le processus de reconnaissance et d’interprétation.

 


Bibliographie

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Discographie

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Notes

  • [1] Pour une analyse des enjeux de la technologie dans l’évolution de la musique, voir notamment Capturing sound: how technology has changad music, de Mark Katz (2004).

    [2] Sur le terme sampling, voir l'article de Tellef Kvifte "Digital Sampling and Analogue Aesthetics" (Kvifte: 2007), où il en propose quatre acceptions :

    a) la conversion d'un son analogique en son numérique,
    b) l'imitation d'un instrument par un autre instrument ;
    c) l’intégration d’enregistrements préexistants dans un nouvel enregistrement sous forme de citation sonore ;
    d) l'emploi des platines o de l’édition musicale pour améliorer les enregistrements en studio ou pour éliminer des erreurs. L’échantillonnage du hip hop correspondrait au type (c).

    [3] Notamment Christian Béthune (1999), Richard Shusterman (1991) et Russel A. Potter (1995).

    [4] IAM (1991). " IAM Concept ".

    [5] IAM (1991). " Planète Mars ".

    [6] IAM (1991). " Red, black and green ".

    [7] MC Solaar (1991). " Quartier nord ".

    [8] IAM (1991). " La tension monte ".

    [9] Ministère AMER (1997). " Brigitte, femme de flic ".

    [10] Ministère AMER (1997). " Damnés ".

    [11] MC Solaar (1991). " Qui sème le vent récolte le tempo ".

    [12] NTM (1993). " Pour un nouveau massacre "

    [13] Assassin (1995). " Quand j’étais petit ".

    [14] IAM (1993). " Bang bang ".

    [15] Ministère AMER (1995). " Sacrifice de poulet ".

    [16] Ministère AMER (1997). " Plus vite que les balles ".

    [17] IAM (1993). " Attentat II ".


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